Vendre un terrain agricole loué sans bail, est-ce possible ?

Vous souhaitez vendre votre terrain agricole loué sans bail écrit ? Attention, l'absence de contrat ne signifie pas forcément l'absence de bail verbal reconnu par la loi.

Dans ce cas, récupérer la libre disposition de vos terres avant la vente nécessitera de suivre un parcours précis : vous devrez d'abord prouver qu'aucun bail verbal n'existe, en démontrant par exemple l'absence de paiement de fermage ou la trop petite superficie exploitée. Sinon, un accord amiable avec l'exploitant pour qu'il libère les lieux ou, à défaut, une procédure judiciaire seront nécessaires.

Par Marion J.

5 min de lecture

24 juillet 2024

Peut-on vendre un terrain agricole loué sans bail ?

Est-il possible de vendre un terrain agricole même si celui-ci était loué sans aucun bail ? La réponse est oui. Il est possible de vendre un terrain agricole même s'il est exploité sans bail écrit par un tiers.

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Cependant, cela ne signifie pas que la vente pourra se faire sans contrainte. En effet, l'absence de bail écrit ne présume pas de l'absence totale de bail. Un bail rural verbal, ayant la même valeur juridique, peut être reconnu par les tribunaux s'il existe des preuves d'un accord oral et d'une exploitation agricole effective des terres.

Dans ce cas de figure, en tant que propriétaire, vous ne pourrez pas vendre librement sans avoir au préalable recouvré la pleine disposition de votre bien. Soit par la voie amiable en négociant le départ du locataire, soit par la voie judiciaire en démontrant qu'aucun bail, même verbal, n'a cours.

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Un bail rural peut exister même sans contrat écrit

Première chose à savoir avant de vendre un terrain agricole loué sans bail pour votre projet immobilier : l'absence de bail rural écrit ne signifie pas forcément, comme nous venons de le voir, l'absence totale de bail, peu importe la durée. En effet, un bail agricole peut très bien avoir été conclu oralement entre le propriétaire et l'exploitant. Il a alors la même valeur qu'un bail écrit dès lors que l'activité agricole est avérée sur les terres.

L'existence d'un bail verbal peut être prouvée par différents éléments comme :

  • Des témoignages de voisins ou de proches ayant connaissance de l'accord oral.

  • Des traces de paiement de fermage, même en nature (parts de récolte par exemple).

  • Des factures ou devis au nom de l'exploitant pour des travaux sur les terres.

Les juges ont ainsi pu reconnaître des baux ruraux verbaux dans différentes affaires récentes. Par exemple, la Cour d'appel de Nancy a considéré en 2019 que des terres exploitées depuis plus de 9 ans sans contrat écrit relevaient bien d'un bail rural verbal opposable au propriétaire (CA Nancy, ch. 3 civ. 26 nov. 2019, n°18/01579).

Une convention de mise à disposition peut être requalifiée en bail rural

Il faut se montrer extrêmement vigilant quant au risque de requalification judiciaire en bail rural de certaines conventions censées n'être qu'une simple mise à disposition des terres. C'est le cas notamment d'un prêt à usage ou commodat, qui sera requalifié en bail dès lors qu'un paiement, aussi symbolique soit-il, est effectué par le locataire au propriétaire. La requalification menace également une vente d'herbe sur pied lorsque celle-ci se renouvelle d'année en année, les tribunaux pouvant alors y voir un bail rural déguisé.

Un autre piège à éviter est de conclure une convention avec la SAFER (Société d'aménagement foncier et d'établissement rural) pour une durée supérieure à 6 ans. Au-delà de ce délai, la jurisprudence considère qu'un véritable droit au renouvellement du bail, assimilable à un bail rural classique, naît au profit du locataire qui bénéficiera ainsi d'un droit de préemption en cas de vente des terres par le propriétaire.

Il faut être très prudent lorsqu'on souhaite mettre à disposition ses terres hors du statut du fermage. Le mieux est de sécuriser la situation avec un contrat adapté et en respectant les conditions légales. Autant de précautions pour bien savoir comment vendre un terrain agricole.

Les cas où il est possible de vendre sans l'accord du locataire

Même en présence d'un bail rural, écrit ou non, vous avez la possibilité de vendre votre terrain agricole sans l'accord préalable du locataire dans certains cas bien précis. 

La vente d’un terrain agricole à un descendant

Si vous vendez à un descendant (enfant, petit-enfant) qui souhaite s'installer comme agriculteur et exploiter lui-même les terres pendant au moins 9 ans, alors vous pouvez vendre sans l’accord du locataire.

Votre descendant devra justifier d'une capacité professionnelle agricole et s'engager à exploiter personnellement. Le locataire en place pourra cependant demander une indemnité d'éviction.

La vente d’un terrain agricole concerné par une déclaration d’utilité publique

Deuxième possibilité de vente sans l’accord du locataire, si votre terrain est concerné par une déclaration d'utilité publique en vue d'une expropriation.

La procédure est alors pilotée par les pouvoirs publics et une juste indemnité d'expropriation devra être versée à l'exploitant pour compenser la perte de son outil de travail.

La vente d’un terrain agricole en cas de manquement du locataire

Si le locataire a gravement manqué à ses obligations vous donnant un motif légitime de résiliation du bail, alors vous pouvez vendre sans son accord. Ces manquements peuvent être :

  • Non-paiement du fermage après mise en demeure

  • Dégradations importantes des terres ou du bâti loué

  • Agissements de nature à troubler la paix des champs

  • Refus de se conformer au mode d'utilisation prévu au bail

Vous devrez alors délivrer un congé pour faute avec un préavis de 6 mois et saisir le tribunal paritaire des baux ruraux pour qu'il constate la résiliation.

D'autres hypothèses peuvent vous permettre de vendre sans maintien du bail rural :

  • Si les terres louées relèvent d'une petite parcelle non essentielle à l'exploitation.

  • Si le bail porte sur un bien qui n'a plus de vocation agricole (ex: terrain constructible).

  • Si le bail est en cours de renouvellement, le congé pour vente reste possible sous conditions.

En dehors de ces situations limitatives, la vente du terrain occupé nécessitera soit l'accord du locataire, soit son congé dans les règles (avec un préavis de 18 mois minimum). Le nouvel acquéreur sera tenu de poursuivre le bail rural en cours.


Récupérer son terrain avant la vente

Si votre locataire refuse la vente et que vous ne remplissez pas les conditions d'une vente sans son accord, il vous faudra d'abord récupérer votre terrain. Sans bail écrit, vous pouvez essayer de démontrer qu'il n'y a en réalité pas de bail rural verbal.

Plusieurs éléments peuvent vous aider dans cette démonstration. Prouver qu'aucun fermage ou loyer n'a été versé par l'exploitant pendant la mise à disposition par exemple. Demandez-lui par écrit de justifier des paiements s'il en invoque.

Vous pouvez aussi montrer que la surface exploitée est très réduite, en dessous du seuil fixé par arrêté préfectoral (de 1 à 3 hectares selon les départements). Un géomètre pourra établir un procès-verbal de mesurage.

Autre possibilité, justifier que le terrain a une vocation principalement non agricole (proximité d'une zone urbaine, projet d'aménagement public, secteur classé constructible au PLU...). A défaut, une convention d'occupation précaire peut être signée si un changement de destination est prévu à court terme.

Si le dialogue est impossible, vous devrez saisir le tribunal compétent (tribunal paritaire des baux ruraux ou tribunal judiciaire) pour faire constater l'absence de bail rural ou prononcer sa résiliation. La procédure peut être longue et coûteuse.

L'idéal est de parvenir à un accord amiable avec l'exploitant pour qu'il libère les lieux avant la vente. Vous pouvez par exemple lui verser une indemnité compensatrice ou l'aider à trouver de nouvelles terres. Des organismes comme les SAFER, la chambre d'agriculture ou les syndicats de propriétaires peuvent vous conseiller dans cette négociation.

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Pour résumer

  • Un bail rural peut exister même sans contrat écrit s'il y a un accord verbal et une activité agricole effective.

  • On ne peut vendre un terrain loué sans l'accord du locataire que dans des cas limités : vente à un descendant, expropriation, faute grave du preneur, petite parcelle hors statut du fermage, bien sans vocation agricole.

  • Pour récupérer un terrain exploité sans bail écrit, il faut prouver l'absence de bail verbal. Un accord amiable avec l'occupant est préférable à une procédure judiciaire.

  • En cas de difficulté, n'hésitez pas à vous faire assister par un avocat spécialisé en droit rural ou à contacter la SAFER.

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